DECLARATION A L’OCCASION DE LA CELEBRATION DE LA JOURNEE INTERNATIONALE DE LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Cela fait maintenant un an que la nouvelle stratégie nationale de Madagascar censée courir de 2025 à 2030 a été adoptée. Presque toute une année s’est écoulée depuis mais sans qu’on ait vu de volonté manifeste de la part des anciens dirigeants pour sa mise en œuvre et la mise en œuvre des réformes nécessaire à son succès.

Depuis la fin du mois de septembre 2025, nous avons été témoin du cri des jeunes et des citoyens à prendre des mesures contre la gangrène et les défaillances constatées dans nos institutions et pour que chaque malgache puisse jouir sans aucune restriction de ses droits et libertés fondamentales même les plus basiques. Rappelons que chaque personne est détentrice de droits et cela ne saurait souffrir d’aucune limite ou réserve. L’Etat est responsable de l’effectivité de tous les droits fondamentaux pour l’ensemble de sa population sans attendre que cette dernière ne le demande ou l’exige.

Le thème de la célébration de cette année 2025 est « S’unir avec la jeunesse contre la corruption : Former l’intégrité de demain ». Dans cette optique, il faut que nous nous alignions au niveau d’exigence et d’intensité de mesures que les jeunes exigent dans la lutte que nous menons et non se contenter et se féliciter du niveau que les responsables estiment adéquat.

Les jeunes attendent des résultats et non des gesticulations, acta non verba. Aujourd’hui nous avons une nouvelle stratégie avec des objectifs qui sont totalement connectés avec les revendications et les aspirations de nos jeunes :

  1. Mettre fin à l’impunité
  2. Développer la synergie dans l’écosystème de la lutte contre la corruption
  3. Promouvoir une culture d’intégrité partagée par tous

A la présidence de la refondation de la république

Nous demandons l’amendement ou la suppression de tout ou partie des textes qui bloquent ou compliquent les poursuites judiciaires et qui entretiennent des conditions propices à l’impunité au sein de notre République. Ces textes sont entre autres : le renforcement des sanctions contre la corruption et le chantage sexuel, la suppression des autorisations d’enquêtes et de poursuites, l’extension du champ d’application de l’ordonnance sur le recouvrement des avoirs illicites aux infractions financières et économiques, aux trafics de ressources nationales et à la criminalité transnationale organisée. Nous appelons à l’adoption au Parlement de la loi sur l’accès à l’information à caractère publique, la protection des dénonciateurs, témoins et lanceurs d’alertes pour que les citoyens n’aient plus peur de dénoncer et se lever contre les injustices. Nous exhortons les responsables politiques à renforcer les structures existantes et à déployer leurs pleines potentialités au lieu de céder à la tentation de s’encombrer de nouvelles structures parfois redondantes.

A la Primature et aux membres du gouvernement

Le Premier Ministre Chef du Gouvernement est identifié comme Président du comité de pilotage de la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la corruption. Toutes les personnes occupant cette fonction sont pleinement responsables de tout ce qui aura été fait ou non dans le cadre de la lutte contre la corruption à Madagascar depuis 2025. Cette année a été la première année de mise en œuvre de la nouvelle stratégie pourtant les divers comités (mise en œuvre, suivi-évaluation, multi acteurs) ne sont pas encore totalement formalisés et non sommes toujours dans l’attente du plan de mise en œuvre. Beaucoup de mesures peuvent d’ores et déjà être prises et sont déjà inscrites dans la stratégie. Ce qui a manqué précédemment était la volonté d’avancer. Nous demandons le renforcement de la transparence dans la conduite et la gestion des affaires publiques, la réactualisation du code d’éthique et de déontologie des agents publics pour instaurer la redevabilité envers le peuple et les citoyens qu’ils se sont engagés à servir. La communication gouvernementale doit être claire et proactive en anticipant les questionnements et inquiétudes légitimes des citoyens et non plus se contenter d’une communication pompier-pyromane. L’engagement civique de tous les malgaches de tous les âges doit maintenant être au cœur des préoccupations du gouvernement.  Eduquons nos citoyens au lieu de les blâmer ou les sanctionner.

Pour les députés et l’Assemblée Nationale

La Constitution vous a confié un rôle particulier dans la lutte contre l’impunité au sommet de l’Etat malgache.  Depuis l’avènement de la quatrième République, vous ne vous êtes toujours pas dotés d’un code d’éthique conformément à la loi organique régissant votre institution.  Par ailleurs, vous avez accordé à la Haute Cour de Justice un budget total avoisinant les 30 milliards d’ariary dont majoritairement des indemnités depuis sa mise en place en 2019 alors qu’aucune procédure n’a obtenu votre autorisation en séance plénière sur la même durée.

Pour les organes de lutte contre la corruption et les institutions de contrôle

Il est grand temps, maintenant et pour les 4 années à venir de redoubler d’efforts dans la réalisation de vos missions respectives.  Beaucoup d’épreuves et d’étapes ont été franchies pour que vous soyez aujourd’hui la pierre angulaire pour pouvoir obtenir des résultats palpables dans cette lutte. Nous y sommes toujours et beaucoup reste aussi à accomplir. Joignons nos efforts pour que la lutte soit un succès et redoublons d’efforts pour rallier la population à la lutte en adoptant une approche pédagogique pour expliquer les procédures dans le respect de l’Etat de droit mais également les obstacles structurels dans le combat qui est le nôtre. Il n’y a que la transparence pour y arriver et restaurer la confiance qui s’est effritée pour diverses raisons parfois légitimes. « Ny ahiahy tsy ihavanana velively »

Aux jeunes et aux citoyens

Restons vigilants et attentifs pour être à l’affût de tout écart du juste chemin et du droit. L’existence ou non des structures de lutte contre la corruption ne saurait dédouaner toutes les institutions publiques et l’appareil d’Etat de toute responsabilité vis-à-vis de la lutte contre la corruption. Sans la mobilisation de tous, la victoire est compromise. Nous prenons note de l’inscription de l’avant-projet de loi sur l’accès à l’information à caractère public à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale. Cette loi consacrera la transparence de la gestion de la vie publique, elle nous garantira l’accès aux données, statistiques, documents pour mieux comprendre les décisions en notre noms. En plus de cette loi, nous avons aussi besoin de la loi sur la protection des lanceurs d’alerte, dénonciateurs et témoins. Unissons-nous pour leur adoption et mettre fin aux abus perpétrés à notre insu par les fossoyeurs de la nation qui ont profité de l’opacité. Que tout ce qui est caché soit percé à jour.

En cette journée internationale de la lutte contre la corruption, prenons le temps de réfléchir à toutes ces questions. Cette réflexion doit être poursuivie dans le cadre des concertations nationales. Nous voulons que ces concertations soient centrées sur la résolution des vrais problèmes avec des solutions concrètes dans tous les secteurs au bénéfice de la nation et de tous les malgaches. Que l’objectivité et le discernement en soient les maîtres mots. Nous devons tirer des leçons du passé pour ne plus revivre le même schéma perpétuel.

Fait à Antananarivo, le 09 décembre 2025