Nous saluons le courage, la mobilisation et l’engagement de tous les citoyens de tout âge et de tout bord, qui se sont dressés pour défendre notre droit le plus légitime et fondamental à parler, dénoncer et décrier le manquement des dirigeants et de la classe politique ainsi que les maux qui plombent notre République et notre bien aimé archipel de Madagascar. La liberté d’expression et de réunion pacifiques sont absolues et ne doit souffrir d’aucune limite sauf celle du respect de la loi hormis les sujets d’intérêts publics. Un mouvement qui se déclare apolitique se prive des moyens de proposer un projet cohérent. La politique est affaire de grand nombre, tout ce qui touche la vie du grand nombre est politique
Pour rappel, ce sursaut citoyen est une conséquence directe des problèmes de la JIRAMA d’une part, avec les délestages, coupures, sur tension, sous tension, interruption de la fourniture d’eau, insalubrité de l’eau distribuée, qualité, assèchement des réserves et des nappes phréatiques, etc.) et d’autre part, de leurs conséquences sur le quotidien des Malgaches (avaries, intoxications, mauvaise hygiène, maladies, pertes économiques, diminution des revenus, chômages, insécurité, stress, sous performances professionnelles, académiques et scolaires. Toutes ces raisons ont alimenté une frustration sociale aigue qui allait finir par faire irruption tôt ou tard.
Depuis des années, nous ne comptons plus les innombrables promesses sur le sujet tout en prenant des décisions à contre-courant dont, entre autres, le gel des tarifs qui a fini par creuser le déficit structurel de la société d’Etat. A côté de cela, plusieurs projets de barrages hydroélectriques (Sahofika, Antetezambato et Volobe) étaient déjà en bonne route pour soulager la population et l’économie mais pour des raisons qui nous échappent leurs mises en œuvre ont souvent été remises aux calendes grecques.
L’hypercentralisation des prises de décisions dans le secteur, notamment dans le cercle des conseillers au niveau de la présidence de la République de Madagascar aura fini par pousser les citoyens dans leurs derniers retranchements. La hausse conséquente de la part du thermique (hydrocarbures) dans le mix énergétique, grevant au passage les budgets sociaux qui devraient alléger les plus vulnérables, explique en partie toutes les tensions sociales et le fait que le pays se retrouve dans cette situation d’extrême tension.
Concernant l’eau, l’absence de maintenances régulières des infrastructures de distribution déjà vétustes et parsemées de fuites ainsi que le manque flagrant de rénovation des infrastructures surtout dans les villes autres que la capitale, associé à la lenteur pour la mise en œuvre des projets concernant le grand Tana ne font que témoigner de l’absence de solutions voire de volonté même à y faire quoique ce soit sans attendre l’appui des partenaires internationaux.
L’eau, étant essentielle à la vie, devrait être au centre des préoccupations et devrait être considérée comme une ressource stratégique et vitale. N’oublions pas que des discussions sur l’exportation d’eau potable ont été annoncés par les mêmes dirigeants qui sont impassibles face à la sécheresse dans le sud, et qui s’aggrave dangereusement en s’étendant à tout le territoire du fait des dérèglements climatiques et d’une déforestation folle. L’accès à l’assainissement, l’hygiène et la santé de millions de femmes, d’enfants et d’hommes, a été laissé en péril par un petit groupe d’individus.
Un problème est quelque chose de difficile à résoudre, une crise est un problème auquel on a trop tardé pour le résoudre.
A côté de cela, il y a aussi les problèmes de mal gouvernance, corruption, impunité, et manque de transparence qui nous avons sans cesse décrié depuis des années.
Les manifestations de ces derniers jours notamment à Fianarantsoa et Antsirabe montrent qu’il est possible pour les forces de l’ordre d’avoir une approche respectueuse des libertés fondamentales et d’encadrer pacifiquement les manifestations des jeunes sans aucun acte de provocation ou de violence. Nous invitons les forces de l’ordre de la capitale à suivre l’exemple de leurs collègues afin de permettre à la population de reprendre leurs activités sans craindre les actes de violence et les gaz lacrymogènes.
Nous saluons la déclaration de Monsieur Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, qui condamne la violence des forces de l’ordre face aux manifestations. Nous nous joignons à lui dans cette déclaration pour demander l’arrêt de toute violence face aux manifestants, des enquêtes indépendantes par la Communauté Internationale et des entités nationales indépendantes et impartiales sur les évènements regrettables qui ont secoué Madagascar depuis le 25 septembre 2025.
Nous avons suivi avec attention l’allocution du Président de la République du 29 septembre 2025 et prenons au mot la déclaration du Président de la République qui s’est engagé publiquement à prioriser la lutte contre la corruption et l’impunité, la transparence et l’information vis-à-vis du public ainsi qu’à créer des espaces de concertation où les jeunes seront entendus par les responsables de la mise en œuvre des politiques publiques.
Ces engagements nécessitant des garanties sur le plan juridique et règlementaire, nous demandons :
- A la prochaine session parlementaire, l’autorisation par les députés de Madagascar des poursuites de hauts responsables devant la Haute Cour de Justice, marquant ainsi un signal fort pour la lutte contre la corruption et l’impunité ;
- A la prochaine session parlementaire, l’amélioration du cadre juridique des élections dans le sens des recommandations déjà soumises par les forces vives de la nation et des missions internationales d’observation électorale ;
- A la prochaine session parlementaire, l’adoption des lois sur l’accès à l’information à caractère public, sur la protection des dénonciateurs et informateurs dans les cas de corruption, sur la protection des défenseurs des droits humains ;
- Une meilleure dotation en ressources des communes au travers de le retrait des parlementaires de la gestion du Fonds de Développement Local et du CIAD pour que le parlement puisse se concentrer sur le suivi de l’action gouvernementale nationale et la représentation populaire dans la légifération,
- L’organisation et la tenue des élections provinciales, régionales qui sont des collectivités territoriales décentralisées où les structures locales de concertation sont censées exister ;
- La pluralité d’idées et d’opinions au sein de l’ORTM et des médias publics.
Nous réaffirmons l’engagement de notre organisation pour la lutte contre la corruption et l’impunité ainsi que pour une participation citoyenne plus forte dans les affaires publiques. Nous soutenons tous les efforts qui tendent vers la résolution de cette crise par le dialogue et dans un climat pacifique et apaisé.
Fait à Antananarivo, le 30 septembre 2025
Téléchargez la version PDF complète de la déclaration en cliquant sur le lien suivant : https://tolotsoa.org/documents/