DECLARATION
Deux semaines se sont écoulées à Madagascar depuis le 25 septembre 2025 – marquées par le début du mouvement de manifestations impliquant essentiellement les jeunes citoyens malgaches : femmes et hommes. Ce mouvement est parti de plusieurs années d’insatisfaction par rapport au service public de fournitures d’eau et d’électricité ainsi que l’exercice des droits fondamentaux de liberté d’expression et de réunions pacifiques.
Nous saluons la mémoire de ceux et celles qui ont perdu la vie suite de la réponse violente, disproportionnée et répressive que les autorités ont choisi d’apporter à ces revendications jusqu’ici.
Nous souhaitons un prompt rétablissement aux personnes blessées parmi la population civile et les rangs des forces de l’ordre.
Nous demandons la libération sans conditions des personnes détenues pour l’exercice de leurs droits fondamentaux à la liberté d’expression, d’association et de réunions pacifiques.
Nous demandons l’ouverture d’enquêtes impartiales et indépendantes de la part des autorités nationales et de la communauté internationale sur la gestion des manifestations et des évènements qui y sont liés.
Nous invitons les citoyens et citoyennes, les médias, les organisations de la société civile et les professions libérales soucieuses des droits humains à saisir les mécanismes internationaux dédiés et actionner les procédures spéciales[1] : le Groupe de Travail sur la détention arbitraire[2], le Comité des Droits de l’Homme, le Comité contre la torture, le Comité des droits de l’enfant et le Conseil des Droits de l’Homme avec des requêtes solides et une documentation fournie (images, audios, vidéos,…) sur les faits marquants et notables des évènements récents.
Nous rappelons que lors du IV -ème cycle de l’examen périodique universel[3] clôturé plus tôt cette année, Madagascar ‘est engagé à accepter et mettre en œuvre un certain nombre de recommandations[4] visant à respecter et garantir la jouissance des droits humains pour tous ces citoyens.
- 120.36 S’acquitter des obligations que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques met à sa charge en matière de respect du droit de réunion pacifique, y compris à l’égard des partis politiques (Australie) ;
- 120.37 Prendre des mesures pour que toutes les personnes et tous les partis politiques puissent exercer pleinement leur droit de réunion pacifique et leur droit à la liberté d’association, et veiller à ce que toute restriction à l’exercice de ces droits soit conforme aux conditions énoncées dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Portugal) ;
- 120.40 Veiller à ce que les lois sur la diffamation, l’outrage et la calomnie respectent le droit à la liberté d’expression (Canada) ;
- 120.41 Redoubler d’efforts pour protéger les défenseurs des droits de l’homme et prévenir toutes les formes d’intimidation, de représailles, d’arrestation arbitraire et de violence, ainsi que les poursuites dénuées de fondement (Italie) ;
- 121.17 Garantir pleinement la liberté d’expression et la liberté de réunion pacifique, et mettre fin aux actes d’intimidation, aux détentions arbitraires et au A/HRC/59/13 GE.25-02838 23 harcèlement judiciaire visant les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et d’autres acteurs de la société civile dans l’exercice de leurs activités légitimes (Espagne) ;
- 121.18 Garantir à chacun le droit à la liberté de réunion et d’association, et protéger les organisations de la société civile contre toute forme d’intimidation ou de représailles (Suisse) ;
- 121.39 Prendre des mesures administratives et juridiques adéquates visant à interdire les châtiments corporels dans tous les contextes (Bangladesh) ;
Ces engagements nécessitant des garanties sur le plan juridique et règlementaire ainsi nous réitérons nos demandes du 30 septembre 2025 dernier :
- A la prochaine session, la mise en conformité des textes et de la règlementation sur l’espace public et le maintien de l’ordre avec les conventions ratifiées par Madagascar ;
- A la prochaine session parlementaire, l’autorisation par les députés de Madagascar des poursuites de hauts responsables devant la Haute Cour de Justice, marquant ainsi un signal fort pour la lutte contre la corruption et l’impunité ;
- A la prochaine session parlementaire, l’amélioration du cadre juridique des élections dans le sens des recommandations déjà soumises par les forces vives de la nation et des missions internationales d’observation électorale ;
- A la prochaine session parlementaire, l’adoption des lois sur l’accès à l’information à caractère public, sur la protection des dénonciateurs et informateurs dans les cas de corruption, sur la protection des défenseurs des droits humains ;
- Un contrôle et un suivi plus rigoureux de l’action gouvernementale par le Parlement et plus spécialement l’Assemblée Nationale à travers des enquêtes parlementaires sérieuses,
- Le respect des échéances électorales et l’organisation et la tenue des élections provinciales, régionales qui sont des collectivités territoriales décentralisées où les structures locales de concertation sont censées exister ;
- La pluralité d’idées et d’opinions au sein de l’ORTM et des médias publics.
Afin de préserver la cohésion sociale, nous exhortons les autorités à :
- prendre urgemment des dispositions franches pour permettre l’exercice des droits à la liberté d’expression et de réunions pacifiques sur tout le territoire national ;
- diligenter des enquêtes administratives suivies de poursuites judiciaires pour déterminer les responsables des violences perpétrées et des pillages qui ont porté un coup dur à l’économie et à l’image du pays dans son ensemble.
Nos demandes se veulent dans le sens de l’intérêt général et du bien commun. Nous réaffirmons l’attachement de notre organisation pour les valeurs fondamentales de la démocratie notamment le dialogue, la liberté d’expression et le respect de l’opinion d’autrui. Nous réaffirmons notre engagement pour la lutte contre la corruption et l’impunité ainsi que pour une participation citoyenne plus forte dans les affaires publiques. Nous soutenons tous les efforts qui tendent vers la résolution de cette crise par le dialogue et dans un climat pacifique et apaisé.
Fait à Antananarivo, le 09 octobre 2025
[1] https://www.ohchr.org/en/special-procedures/sr-environment/communications-special-procedures
[2] https://www.ohchr.org/en/special-procedures/wg-arbitrary-detention/complaints-and-urgent-appeals
[3] https://www.ohchr.org/en/hr-bodies/upr/mg-index
[4] https://docs.un.org/fr/A/HRC/59/13 et https://docs.un.org/fr/A/HRC/59/13/Add.1
Téléchargez la version PDF complète de la déclaration en cliquant sur le lien suivant : https://tolotsoa.org/documents/